Vers la Chronologie

Boucey

Son église Saint-Pierre, son château disparu et le pigeonnier royal

Situation de Boucey

Une forme presque circulaire, un plateau découvert, légèrement incliné vers le bassin du Couesnon : tels sont le dessin et le relief de Boucey. Pour l’aspect, c’est une plaine nue, la plus vaste de l’arrondissement, clairsemée de villages, uniforme et monotone, ou bien ce sont des marais nus comme ceux de l’ouest, ou plantés de peupliers comme ceux du nord. La limitation, indécise du nord-est, est déterminée au sud-est et au sud par le ruisseau de la Lande-Besnet, à l’ouest par le Couesnon, au nord par le canal du Marais.

Deux grandes routes sillonnent ce sol uni, celle de Pontorson et celle d’Antrain. Un vaste plateau, appelé le Tertre-Burel, d’où l’on découvre une dizaine de clochers, et par un temps clair, Avranches, Granville et Cancale, commande tout le pays. C’est dans cette belle position militaire qu’était sans doute le camp, dit de Pontorson, fort de 8 000 hommes, que Louis XIV établit pour surveiller les côtes de Bretagne et de Normandie, et dont il donna le commandement à son frère Philippe de France. Les noms des villages sont assez peu nombreux pour être énumérés. Ce sont la Cantrie, Cantaria, dont la charte sera citée plus loin, la Saudraie, près du Jonchet, la Fougerai, avec leurs noms tirés de végétaux, Martigny, ou l’habitation de Martin, la Guimbarde, d’où partait le canal qui donnait l’eau potable à Pontorson, le Flechet avec sa croix, d’où descend ce ruisseau de Roule-Crotte dont le nom corrobore l’étymologie plaisant de Boucey, la Couesnonnerie, Verdun, berceau ou fief d’une illustre famille, Caugé, localité importante autrefois, consacrée par les chartes et les souvenirs.

L’originalité de l’église de Boucey consiste dans l’absence de portail occidental : elle a un porche au flanc de la nef. La nef a été refaite en 1675 et le chœur en 1730 ; mais il reste deux fenêtres du XVIe siècle avec des fragments de vitrail. La cuve ronde du baptistère, la base des murs, la croix ronde du cimetière, une dalle usée, empreinte d’une effigie de religieux, sont les derniers vestiges de l’église dont nous parlent les chartes. Il y a dans la nef deux pierres funéraires d’un touchant intérêt : elles recouvrent chacune un époux et sa femme et tous deux de la même famille, Julien EXCALOT et Suzanne, sa femme, 1559, d’un côté, Jean EXCALOT et Anne PASTUREL, 1636, de l’autre. Une dalle, parfaitement insculpée, placée près de celle-ci, est la sépulture de maître Jean GESLIN, curé de Boucey, 1775.

Au pied de la vieille croix du cimetière est la tombe de MASSELIN, doyen rural, curé de Boucey, 1739. Dans le chœur était l’écusson des LANGERON, dont on ne voit plus que la pierre, qui a été mutilé dans la Révolution. La dernière révolution, plus tolérante, a laissé leurs fleurs de Lys, d’une bonne sculpture, d’un confessionnal et celle du dais de la chaire. Deux statues, une Saint-Barbe et une Vierge, puis de jolis vitraux bleus, blancs et jaunes, dont l’encadrement est une ligne de couronnes à fleurons élancés, et une Vierge, sont les principaux objets d’ornementation anciennes.

Les seigneurs de Boucey cités sont les plus anciens que nous connaissions. Au commencement du XIIe siècle, Guillaume de Boucey, baron du Comte RANNULFE, souscrivit à une charte relative à Ducey.

Le patronage de cette église appartenait au Mont-Saint-Michel auquel il fut aumôné en 1194 par Pierre DE SAINT-HILAIRE, seigneur de Boucey. Toutefois cette aumône n’était sans doute qu’une confirmation ; car la grande bulle du pape Alexandre III, de 1178, cite « ecclesiam de Buce » au nombre des églises du Mont, ainsi qu’une terre « terra juxta portam Pontis Ursonis ».

Dans ce siècle, un seigneur de Boucey se fit moine du Mont-Saint-Michel et rendit une charte pleine de détails curieux : « Moi Richard, fils de Richelin de Boucey, j’avais été accablé d’une maladie grave et longue, à mon retour de Jérusalem. Reconnaissant que j’arriverais bientôt au moment suprême et que j’entrerais bientôt dans la voie de toute chair « viam carnis universe », gémissant, pleurant et tremblant, j’envoyai deux hommes probes et vénérables, Godefroy de Pontorson, chapelain du Roi, et Bernard de Boucey, mon prêtre, vers l’abbé du Mont, pour lui demander l’habit de S. BENOÎT. Comme c’était un homme de grand discernement « vir discretissimus. » il m’envoya le prieur de son église avec un autre frère. Etant venus, ils me trouvèrent parlant avec beaucoup de facilité et d’éloquence ; ils me revêtirent de l’habit, du consentement de mon épouse. Pour cela, je donnai de mon fief quatre acres de terre. Mon neveu Richard CARDON consentit à ce don, il le confirma de sa main et déposa la charte sur l’autel de S. NICOLAS dans la chapelle de Pontorson, avec le livre de la messe. ».

En 1162, dans sa grande charte, W. de Saint-Jean donna à la Luzerne une terre qui appartenait aux moines du Mont et en échange à ceux-ci « feodum Alani de Buceio in quo sedet dimidia ecclesia et dimidium cimeterium Buceii, unde nobis x sol, et equi servicium persolvebat. ». En 1186, Hervé de Verdun, chanoine d’Avranches, abandonna au Mont toute réclamation sur la dîme et le patronage de Boucey. Quelques années plus tard, G., évêque d’Avranches, confirma des dons faits en Boucey pour les infirmes du Mont. Voici les considérants de cette charte : « Ut liberalitates hominum locis religiosis exhibite et maxime in infirmos in perpetuum memoriter teneantur, dignum est earum noticiam fideli scripturae testimonio conservari. Quaproter nos attendentes infirmos monasterii Montis S. M. de periculo maris tenues habere redditus… divne caritatis intuitu et favore religionis de assensu Capituli nostri concessimus in perpetuam elemosinam in cantaria ec. de Boceio que ad presentationem monasterii noscitur pertinere, totum bladum tocius parrochie… ».

Le nom Verdum et Verdon se trouve dans presque toutes les liste de la Conquête : Bertrannus de Verdun est cité dans le Domesday comme Tenant en Chef dans le Buckinghamshire, et on dit de son manoir de Ferneham « en hoc manerio tenet Goisfridus de Mannevile dim. hid. de qua desaisivit predictum Bertrannum dum esset trans mare in servitio Regis. Rad. Tailgebosc fecit super terram Bertranni unum molinum. ». Norman de Verdun, son successeur, épousa Lesceline, fille du Chambellan et trésorier de Henri Ier. Un de Verdun était à la Croisade du Duc Robert-Courte-Heuse. Nous trouvons un de ses dons dans la charte de la Luzerne : « Ex dono N. de Verdum unum pratum apud Fougeroles et 9 sol. cen. in feodo P. Ascelin. ». Dans les chartes du même monastère, nous trouvons d’autres Verdun : « Ex dono W. de Verdun unum campum in exitu Pontis Ursonis et unum pratum super Coisnon… Ex dono N. de Verdun 11 sol. cen. ».

Les Rôles de l’Échiquier citent pour 1180 Rob. de Verdun, et Ran. de Verdun pour 1195. Un second Bertrand souscrivit à la charte de Ponts, et son frère Hervé, le chanoine, a été cité ci-dessus. Ce Bertrand suivit Richard Cœur-de-Lion à la Croisade, et se trouva à la prise de Saint-Jean-d’Acre dont il fut nommé gouverneur. Un de Verdun était parmi les défenseurs du Mont-Saint-Michel. Un autre fit sans doute sa soumission : « Don a Ph. de Verdun ec. de ses héritages en la châtellenie de Pontorson. ». Leurs armes varient selon les branches : celle de la Grenne porte d’Or fretté de sable. La branche Anglaise, célèbre, sous le nom d’Aldittley, francisé en Audeley, porte d’Or fretté de sable. Les Lemoigne de Sourdeval, branche cadette de Verdum, porte au Franc quartier de sable.

L’étymologie de Boucey nous en révélera une nouvelle. Boucey, comme les communes voisines, tire son nom d’un chef normand, dont un descendant était à la Conquête : Rob. de Buci est cité dans le Domesday comme Tenant en Chef et comme Sous-Tenant. Ainsi Macey, Vessey, Aucey correspondent à Maci, Veci, Alci du Domesday. De Buci sont dérivées des formes des chartes, celles que nous avons citées et d’autres encore : « un diplôme du Gallia donne Hugo, filius R. de Bosceio ; le Livre Vert dit epud Bocenum – Boce. – Nic. chief de Bosc. – Carta decime de Boucie et de Bocci et Rad. de Boce ». Mais nulle part on ne trouve de forme qui justifie l’étymologie de Cenalis : c’est en dépit des chartes et de la nature que, dans son humeur fantasque et son interprétation primesautière, il appela Boucey Buxetum à Buxeto.

Le patrimoine complémentaire à Boucey

Ancien château disparu

Château disparu

Il y a eu un château de Boucey : il était situé à l’ouest de l’église, vers le marais à la Métairie. Il fut vendu et détruit sous Napoléon, et ses matériaux entrèrent dans la construction de l’église d’Aucey-la-Plaine. La légende raconte qu'il existerait un souterrain entre cet ancien château et la ville de Pontorson.

Mais auprès de l’église, du côté nord, on voit encore une vieille habitation avec un grand cintre semé de boules comme le portail roman de Sartilly, et avec un colombier. C’est la terre de Verdun. Bien qu’il ait plusieurs Verdun dans l’Avranchin, c’est à celui-ci que nous rattachons des détails sur cette famille, dont plusieurs sont empruntés à M. de Gerville.

Pigeonnier royal de Boucey

Pigeonnier royal

Le pigeonnier royal de Boucey (du XVIe siècle) : un colombier en tour cylindrique sur la ferme de Verdun, au centre du bourg. Il est au nord de l'église, sur la D169E.